Vous en côtoyez sans le savoir: minuscules, présents dans l’air, l’eau et nos intérieurs, ils échappent aux analyses. Issus de la pollution plastique qui se fragmente, ils favorisent une exposition chronique insidieuse.
Vous respirez, ingérez et touchez ces fragments chaque jour, sans pouvoir les voir. Leurs interactions avec des biomolécules et des polluants émergents s’intensifient quand la taille diminue. Ces particules submicroniques franchissent des barrières biologiques et posent des risques sanitaires plausibles, illustrés par des marqueurs d’inflammation et de stress oxydant, observés en laboratoire. Le doute n’est plus confortable.
D’où viennent les nanoplastiques qui nous entourent ?
Les nanoplastiques naissent quand des objets se fragmentent sous l’effet de la lumière, de la chaleur et des contraintes mécaniques. Parmi les mécanismes en cause figurent la dégradation photochimique et l’abrasion textile lors du lavage, illustrés par quelques exemples :
- Fibres synthétiques relâchées au lavage.
- Peintures et vernis qui se craquellent.
- Films d’emballage fragmentés par le soleil.
À côté de ces sources diffuses, des gisements plus ciblés alimentent le flux. Il s’agit de sources primaires issues du broyage industriel et du polissage, tandis que l’usure des pneus disperse des particules qui finissent dans les fossés, les sols et les rivières.
Taille, forme, chimie : ce qui les rend si mobiles et réactifs
La taille conditionne la diffusion mais aussi la capacité à franchir barrières et filtres naturels. Une distribution granulométrique étalée favorise le passage entre milieux, tandis que des formes anisotropes comme fibres ou plaques modifient la sédimentation et l’inhalation.
La chimie de surface oriente les interactions avec l’eau, les lipides et les métaux. Quand la surface spécifique est élevée et que des additifs polymériques (plastifiants, pigments) migrent, adsorption et transport de contaminants augmentent ; un repère utile :
À l’échelle nanométrique, plus la surface est rugueuse et oxydée, plus les toxiques s’accrochent ; le transport aérien et aquatique s’en trouve amplifié.
Du sol à l’assiette : quels chemins d’exposition pour l’humain ?
Des fragments nanométriques issus des plastiques, des pneus et des textiles atteignent les parcelles par les boues ou l’irrigation. Une partie passe des plantes aux animaux, puis aux produits de la mer, au fil de la chaîne trophique, ce qui brouille la traçabilité.
À la maison, l’ingestion peut survenir via l’eau, le sel, des boissons et la poussière domestique. Les emballages, le chauffage à haute température ou la préparation des aliments favorisent des transferts vers le contenu ; ces apports entretiennent une bioaccumulation potentielle et amplifient la contamination alimentaire dans l’alimentation.
| Milieu | Voie d’exposition | Exemples | Sources probables |
|---|---|---|---|
| Sol agricole | Ingestion via végétaux et animaux | Laitue, blé, œufs | Films plastiques, boues d’épuration, abrasion des pneus |
| Eaux côtières | Ingestion de produits de la mer | Moules, huîtres, sardines | Filets, microfibres textiles, débris d’emballages |
| Eau potable et boissons | Ingestion directe | Eau en bouteille, thé en sachet | Migration à chaud, matériaux des filtres et des contenants |
| Air intérieur | Inhalation et dépôt oropharyngé | Poussières, fibres synthétiques | Textiles, moquettes, peintures |
| Sel de table | Ingestion cumulative | Sel marin ou gemme | Salines contaminées, procédés d’extraction |
Un risque pour la santé ? Ce que montrent les études chez l’animal et in vitro
Chez des rongeurs et sur des lignées de cellules, des réponses mesurables sont observées. Les équipes rapportent une toxicité cellulaire dépendante de la surface et une hausse du stress oxydatif ; pour illustrer, trois mécanismes reviennent le plus :
- Altérations membranaires et apoptose
- ROS accrues et dommages à l’ADN
- Désorganisation des jonctions serrées intestinales
Ces profils varient avec la taille, la charge et le polymère.
Chez le rat, des lésions hépatiques et des altérations neuronales sont décrites. Des fragments franchissent des barrières biologiques comme l’épithélium intestinal ou, en gestation, le placenta ; des marqueurs d’inflammation systémique apparaissent dans le sang, mais l’interprétation clinique reste prudente.
Océans, rivières, air intérieur : des milieux sous pression
Des fragments nanométriques issus de la fragmentation des plastiques se mêlent aux eaux de surface et aux sédiments. Dans des zones côtières sensibles où aquaculture, pêche et tourisme coexistent, les gradients de salinité et de courant concentrent ces particules.
L’intérieur des bâtiments n’est pas épargné, avec des poussières issues des textiles synthétiques et des abrasions de peintures. Le dépôt atmosphérique alimente rivières et littoraux, tandis qu’une forte charge particulaire accroît l’adsorption de métaux et d’additifs sur ces nanomatériaux.
À retenir : des nanoplastiques ont été détectés dans des glaces du Groenland et dans l’air de logements urbains, attestant d’un transport à longue distance et d’expositions domestiques.
Réglementations et surveillance : où en est-on réellement ?
Le cadre européen avance par étapes, avec la restriction des microplastiques ajoutés aux produits adoptée en 2023 sous REACH. Des normes émergentes se discutent à l’ISO et au CEN pour harmoniser définitions, tailles et typologies, avec une place spécifique pour l’échelle nano.
La caractérisation repose sur la spectroscopie Raman et FTIR, la pyrolyse GC/MS et le fractionnement par flux de champ. Des protocoles analytiques se standardisent progressivement, tandis qu’un monitoring environnemental coordonné relie stations hydrologiques, réseaux urbains et campagnes marines.
Gestes concrets au quotidien sans tomber dans la panique
Au quotidien, de petites décisions limitent l’émission de fragments plastiques : éviter les sachets, les films et les capsules jetables. Pratiquez la réduction à la source avec le vrac, une gourde et la réparation, et ajustez vos habitudes domestiques en évitant de chauffer les contenants plastiques et en lavant à froid.
Pour limiter les poussières plastiques à la maison, aérez, aspirez avec filtre HEPA et privilégiez le nettoyage humide; retirez les chaussures à l’entrée et réduisez les microfibres avec des charges pleines et des cycles courts. Un choix des matériaux avisé oriente vers le verre, l’acier ou la céramique pour les contenants, et limite l’abrasion des plastiques en remplaçant les planches à découper très marquées et en délaissant les éponges rudes.